Le plaisir, le sexe, la sexualité sont des pratiques ordinaires. Cependant pour certaines personnes, cela devient un besoin, une dépendance.

J’écris cet article afin d’éclairer vos questionnements. Parler de l’addiction, ce n’est absolument pas me positionner pour ou contre la pornographie, le libertinage, la prostitution, et encore moins pour donner une norme à la sexualité.

C’est pour ces raisons que je ne parlerai pas d’hypersexualité car, à mon sens et selon d’autres auteurs, l’hypersexualité n’est pas un problème si elle est acceptée dans le couple. Les besoins sexuels sont différents en fonction de chaque personne. Il y a bien des gros mangeurs, et des petits mangeurs ! Tout le monde n'a pas le même appétit ! L’addiction n’est donc pas qualifiée par un nombre de rapports sexuels ou un temps imparti au visionnage de films X mais plutôt à des facteurs de mal-être.

Qu’est-ce que l’addiction à des comportements sexuels ?

L’addiction à un comportement sexuel est un processus durant lequel est réalisé ce comportement qui aura pour objectif de procurer du plaisir et de soulager un mal être. Certaines personnes vivront des « Crises » appelées craving qui se caractérisent par une impulsion à « re-consommer ».  La personne éprouve des difficultés à se contrôler, même s’il y a des conséquences négatives.

Détaillons maintenant cette définition !

Quels comportements sexuels ?

Si vous ne souffrez pas vous-même de cette dépense, vous devez vous dire, « des comportements sexuels » ? Mais de quoi parle-t-elle au juste ?
Quand je parle de comportements sexuels, cela peut concerner :
-   Le visionnage de films pornographiques (avec ou sans masturbation, pendant des heures ou 5min plusieurs fois par jour),
-   L’utilisation de sites pour des rencontres, des conversations sexuelles, des échanges par webcam,
-   Des tournages de film pornos amateur,
-   Ce peut-être tarifé aussi, comme des massages avec finition ou des rencontres avec des escortes girls,
-   La fréquentation de clubs de lap dance, de strip-tease, des clubs ou sauna échangistes.

La liste est longue et bien sûr certain.e.s auront une dépendance à différents supports.

Beaucoup vont se trouver dans une recherche éperdue de scènes et de supports toujours nouveaux. Pour certains, cette recherche se trouvera dans des pratiques toujours plus extrêmes, plus « hard ». Pour certain.e.s il y aura aussi une recherche incessante de conduites sexuelles à risques comme des relations sexuelles non protégées.

Le cycle de l'addiction

L'événement déclenchant du cycle peut être positif ou négatif. C’est le plus souvent un mal-être, comme le stress ou la pression au travail, voire de la souffrance (voir l'article sur les psychotraumatismes). Cela va se manifester par une sensation de pression ressentie à l'intérieur de soi (le craving).

La personne va alors « passer à l’acte » et réaliser le comportement sexuel. Celui-ci peut être fantasmé ou agi. Cela va lui permettre de se détendre. Cette action peut donner l'illusion d'avoir le contrôle de la situation. Cependant, suite au passage à l'acte, différents sentiments vont apparaître comme la honte, la culpabilité voire, un sentiment de désespoir. Ils peuvent se traduire par des signes comme du mal-être, de la panique, de l’angoisse, de la culpabilité, des douleurs physiques, d'une accélération de la respiration, des sueurs, une lutte interne, de l’insomnie, un sentiment dépressif, etc. Selon le Dr Karila(1), se sont « des symptômes de manque » et plus de 70 % des patient.e.s ayant une addiction sexuelle en ont lorsqu'iels ne consomment pas.

Cette souffrance peut entrainer des conséquences relationnelles dans le couple et avec les amis ce qui va renforcer le trouble.

Enfin il y aura une phase de résolution, de récupération, plus ou moins longue dans le cycle, jusqu'au prochain facteur déclenchant. Et le cycle addictif sexuel repart.

La personne peut être accompagnée afin d’enrayer ce cycle pour atteindre l’objectif qu’elle aura choisi : l’arrêt ou la diminution du comportement sexuel.

La perte du contrôle

La personne aura des difficultés ou une impossibilité à contrôler ce comportement sexuel même si elle a le désir d’y résister. Elle vit une véritable lutte interne.

Qui est concerné ?

Une étude française en ligne (Cordonnier, 2006)(2) a été réalisée auprès de 7588 internautes, 10 % se considéraient accro et consultaient des sites à caractère sexuel au moins 11 heures par semaine.

Selon différents auteurs, les femmes représenteraient moins de 10 % des personnes qui consultent pour un suivi pour une addiction à des comportements sexuels. Cependant, « elles seraient plus nombreuses, si l'on en croit les différents témoignages de dépendants sexuels masculins qui peuvent les côtoyer »(3).

Qu'est-ce qui se passe dans notre tête ?

  • Le discours intérieur permissif

Ce sont des pensées présentes chez toutes les personnes ayant une addiction, elles peuvent être présentes avant, pendant ou après le passage à l’acte. Elles autorisent à passer à l'acte :
« Quand je suis stressé.e, je sais que ça m’aide »,
« Cela va me faire du bien de passer du bon temps, je ne fais de mal à personne, ce n'est que du sexe »,
« C'est la dernière fois que je le fais »
« C'est plus fort que moi, je n'y peux rien », « ce n'est pas un quart d'heure qui va me faire mal »,
« Ma femme ne veut pas de sexe, donc c'est un peu de sa faute si je vais ailleurs », etc.

  • Les scénarios fantasmatiques

Le fantasme peut procurer une excitation plus intense que le réel. En effet, nous sommes seuls à décider du décor et des actes. S'il est assouvi dans la réalité, il n'aura pas la même puissance de jouissance, car le.la partenaire ne se comportera pas comme on se l’était imaginé et le décor ne sera pas le même…
Le visionnage de porno pourra donc être utilisé afin de ne pas être déçu lors d’une relation sexuelle réelle.
Le Dr Poudat (2) écrit « le virtuel est très addictogène car il se substitue parfois au passage à l'acte avec une personne réelle. De fait, des sujets dépendants peuvent s'enfermer des heures avec du porn pour vivre enfin leurs fantasmes par écrans interposés, avec des milliers d'images devant les yeux  (zapping d'images), sans obligation de mettre en pratique, dans une vie réelle contraignante, leurs désirs sexuels ».

Pour aller plus loin

Pour les personnes qui se demandent si elles ont une addiction, vous pouvez consulter les critères de diagnostiques de Goodman en cliquant ici (rapide). Et pour s’évaluer, je vous propose l’échelle de SAST traduite par le Dr Karila (1) que j’ai légèrement modifiée. Vous l’obtiendrez en PDF en cliquant ici.

Vous souhaitez un accompagnement ? En France, il y a peu de services publics spécialisés dans l’addiction à des comportements sexuels (seulement dans des grandes villes). Vous avez tout de même plusieurs options :
-  Les services d’addictologie (public ou associatif) : Le personnel peut, en théorie, aussi accompagner une personne qui a une addiction à des comportements sexuels.
-  Un sexologue en libéral qui pourra aussi travailler en lien avec un psychiatre
-  Un psychiatre en CMP ou en libéral

D’ailleurs, même si vous ne sentez pas que vous en êtes au stade de l’addiction, mais que vous ressentez un mal-être dans votre sexualité, il est aussi possible de consulter un professionnel.


Références bibliographiques
(1) Karila L. 2016. Votre Plaisir vous appartient, le guide de la sexualité 2.0. Saint Ouen : Flammarion
(2) Poudat FX., Lagadec M. 2017. Sexe sans contrôle. Paris : Odile Jacob
(3) Sandis F., Dumonteix JB. 2013. Les sex addicts, Quand le sexe devient une drogue dure. Paris : France Loisirs
Morel A., Couteron JP, Fouilland P. (sous la dir.) 2010. L’aide-mémoire d’addictologie. Paris : Dunod

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